Voici des vers mourants et des plaintes de cygne
Etienne Durand



Voici des vers mourants et des plaintes de cygne
Qui sont de mon trépas et la borne et le signe,
Un cri de Philomèle, un langoureux ennui
Qui prend son origine aux cruautés d'autrui,
Bref un funeste amas de soupirs que je pense
Par les lois du respect être dus au silence,
Que ma plume affaiblie envoie à ta rigueur,
Ma bouche ne pouvant en décharger mon coeur.
Mais las ! comme celui qui connut dans la nue
L'audace de son fils par sa perte avenue,
Par trois fois, mais en vain, essaya de graver
De quel vol son Icare avait pu s'élever,
Sa main par sa douleur demeurant amortie,
Ainsi déjà trois fois la mienne appesantie.
Par le regret de voir mon amour traversé,
Et mon espoir mourant en mes pleurs renversé,
A voulu ci-devant mes supplices t'écrire,
L'absence et la douleur m'empêchant de les dire.
Mais enfin m'efforçant en l'exil où je suis,
Je t'écris les douleurs que dire je ne puis.
Crois du moins que le trait dont mon âme est atteinte
Rend mon malheur trop vrai pour mentir en ma plainte.
Crois que mes passions règnent dessus mes sens,
Avec un tel excès que l'ennui que je sens
Me laisse seulement des pleurs pour des paroles,
Et que mes premiers maux n'ont été que frivoles,
Comparés avec ceux qu'en ce lieu déserté
Je souffre pour avoir éloigné ta beauté.
Lieu, dis-je, ou la douleur s'efforce à me défaire,
Et fait qu'étant muet je parle par mon taire.
Lis donc, fière beauté, lis donc ces tristes vers,
Cependant que les vents portent par l'univers
Ton nom que si souvent je charge sur leurs ailes ;
Ce n'est pas qu'aux discours de mes peines cruelles
J'espère de fléchir ton esprit indompté,
Ni de voir ton dédain par mes pleurs surmonté :
Ils ont trop peu d'effet pour vaincre un coeur de roche
Qui s'enfuit dédaigneux autant comme on l'approche.
Mais je te veux montrer qu'en ces bois ennuyeux
Mon coeur porte sur lui le péché de mes yeux,
Que mes feux à ma mort me vont servir de guides,
Et m'offrir pour victime à tes yeux homicides...


  


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