La grive et l'ortolan

La grive et l'ortolan

Deux amis de nature fort différente s’ébattaient d’ivresse dans une vigne, oubliant les affres de la prochaine saison maligne.

Les ceps courbaient l’échine comme une galante, offrant le poids de leurs délices aux deux compères affamés.

Les festivités durèrent de longues journées retentissantes de la becquée de leurs fils.
Fatalement, vinrent les vendanges, saison de disette.

Les vignerons pillèrent leur garde-manger, ne laissant en subsistance que quelques grains oxydés.
La grive et l’ortolan s’affolèrent pour une miette, à l’horizon, plus la moindre petite grappe.
Parmi les ceps pelés et soulagés, les deux amis se remémoraient leurs agapes quand soudain, l’ortolan aperçut une juteuse oubliée.

L’ortolan se l’appropria, s’en rendit acquéreur, revendiquant le droit du découvreur.

La grive, un peu piquée, tenaillée par la faim, voulut au nom de leur vieille amitié une part non négligeable du butin :

— Chère amie, mon envie n’a d’égal que ma corpulence. Comparez notre stature et vous ne pourrez nier l’évidence. La faim est bien lourde pour un corps si plein...

La grive plus puissante écarta l’oiselet et le malheureux ne put que constater que la force servit ce vol manifeste.

Alors que la grive se régalait de cette victoire facile, l’ortolan s’agita et donna l’alerte.
La grive toute à bombance ignora le cri de détresse, la gourmande allait happer son dernier grain lorsqu’un épervier interrompit son festin.

De la grive, la convoitise était la maîtresse et plus qu’une grappe de raisin, elle perdit la vie.
L’ortolan, pour sa part, s’est enfui, le ventre vide mais toujours sain.

À trop vouloir s’emplir les poches, le fort oublie l’essentiel : avoir toujours un œil dans le ciel et un autre sur ses proches.


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