Il était une fois la fin

Il était une fois la fin

Il était une fois une petite fille perdue dans le désert. Elle avait les cheveux blonds comme les blés. Mais pas les blés comme ceux qui poussaient dans les grands champs dorés, ceux d'où le paysage s'étalait jusqu'à la limite de votre champ de vision, ceux mêlés aux coquelicots roses et rouges, ceux que le soleil irradiait de sa couleur et de sa chaleur bienfaitrice. Non, ses cheveux avaient la couleur du blé étouffé, moisi dans la cave-serre du réfugié. D'un blé sec, qui avait oublié les grandes crues du Nil ou les pluies torrentielles de l'Ouest-collé-à-la-mer. D'un blé sacrifié, donné comme ça aux pauvres et aux affamés pendant la pénurie. D'un blé sale et souillé. Ses yeux étaient comme la mer. Mais êtes-vous vraiment sûr d'avoir déjà vu la mer ? Est-ce vraiment important ? Non, l'important était la couleur de ses yeux. D'un bleu profond, inondé, celui de la mer portant le poids de la nuit. Un bleu triste et sombre. De ces yeux qui n'ont vécu que le sable à perte de vue. De ces yeux qui lancent les éclairs connus sur les bateaux et les tempêtes. De ces yeux ayant connu tous les océans du monde, et reclus à présent sur la triste terre crade. Elle avait les lèvres rouges du sang des torturés, des damnés et des exilés. Des lèvres qui avaient connu les blessures, les larmes et la mort. Des lèvres pincées, gercées et déshydratées. Les lèvres collées au sable et aux cailloux lorsqu'elle tombait. Des lèvres qui tremblaient de peur et de colère. Des lèvres fuyant les hommes et leurs problèmes. Fuyant sa famille de cadavres pourris et ses amis aux os rongés.

Il était une fois une petite fille avançant résolument, dans sa robe jadis bleue, peut-être jolie. Avançant grâce à ses pieds nus poussés par la haine et la colère, à ses jambes saignant les cailloux et sa tête fuyant les coups du soleil brûlant et traître.
Il était une fois une petite fille qui pleurait. Ses larmes salées roulaient le long de ses joues et gouttaient sur le sable desséché de ses lèvres. Elles purgeaient sa peine et sortaient à flots, emportant avec elles les pensées noires et sales. Quand les larmes eurent fini de sortir la peine et les erreurs, elles commencèrent à puiser dans les joies et les bonheurs enfouis. Alors, ne resta que le vide dans le cœur déchiré de la petite fille.

Il était une fois une petite fille qui s'envola. Elle marcha jusque dans le haut des cieux et s'assit sur des nuages disparates. Ses larmes continuèrent à couler et tombèrent sur le sable triste, qui se transforma en blé doré comme le soleil et en coquelicots roses et rouges comme la beauté. La terre vit sa beauté renaître, et les hommes revinrent. Ils fauchèrent le blé et les coquelicots de leurs canons et s'entre-tuèrent de leurs faucilles. Le monde redevint folie, sable et cailloux desséchés, et une petite fille survivante aux cheveux sales et aux lèvres gercées se perdit dans le désert. L'histoire recommença, encore et encore, et encore et encore... Peut-être qu'un jour nous comprendrons.


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