Stances
Charles Timoleon De Sigogne



Cheveux de couleur de bécasse,
Frisés de fort mauvaise grâce,
Pantaines* de diables errants,
Je ne veux rien de votre tresse,
Que six couples et une laisse,
Pour conduire mes chiens courants.

Beau teint de couleur de châtagne
Tributaire du roi d'Espagne,
Tu m'eusses peut-être attrapé,
Sans que ta peau, jaune et lissée,
Semble une levrette graissée,
A qui le poil est échappé.

Beaux yeux, dont la forme diverse
Semble au cul du Sofi de Perse,
Je rends ma gorge quand tu ris ;
Tu distilles par ta fontaine
Plus d'eau que la Samaritaine
Qu'on voit au Pont-Neuf de Paris.

Beau nez qui n'a rien de difforme,
Que la peau, la chair et la forme,
J'admire ton rouge canal ;
Ton odeur est si pestilente
Que la ciguë et l'amarante
Ne sauraient faire tant de mal.

Bouche odorante comme soufre,
Je m'étonne comment tu souffres
Ce rat mort il y a dix ans ;
Que la male bosse te crève !
Tu parles comme un pot à fève,
Tu n'as que quatre vieilles dents.

Beaux tétins, durs comme une moufle,
De la couleur d'une pantoufle,
Quand tu t'habilles les matins,
Tu semble une lice avortée
Qui, en courant, s'est emportée
La peau et la chair des tétins.

Mains longues, sèches et galeuses,
Pleines de dartres farineuses,
Subtiles à tuer les poux,
Vous avez les ongles si sales
Que les affamés cannibales
Mourraient de faim auprès de vous !

Taille par échelons brisée
Comme le mont du Colisée,
Pointue comme un pavillon,
Je veux que le diable m'emporte
Si la voûte n'est aussi forte
Que la grand tour de Châtillon !

Et toi, grand trou de Saint-Patrice,
Tu parais, sans lever la cuisse,
Renfrogné comme un vieux magot**,
Voir comme un cornet d'écritoire !
Je te tiens pour le purgatoire
Et veux devenir huguenot.

(*) filets d'oiseleur
(**) singe


  


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