De l'Humilité
Jean Desmarets De Saint Sorlin



[...] L'eau sortant des canaux s'égaye en ces prés verts,
Comme marche un captif déchargé de ses fers.
Elle était dans sa gêne et morne et languissante :
Libre elle est babillarde, active et bondissante.
Elle aime mieux, folâtre et toujours serpentant,
Par ces chemins tortus courir en s'ébattant ;
Elle aime mieux baiser et ces fleurs et ces herbes
Qu'un balustre de bronze et de marbre superbes.
Suivez donc, ô mes pas, ses aimables détours.
J'aime ces lieux fleuris où me conduit son cours.
Dans ces riches vallons je descends avec elle,
Où de mille autres eaux le murmure m'appelle.
Quel bruit de toutes parts ? Les eaux cherchent les eaux :
Aux rivières toujours courent tous les ruisseaux ;
Dans les fleuves puissants se plongent les rivières ;
Et les fleuves, des mers, cherchent les vagues fières.
Ici pour rafraîchir les poumons altérés,
Mainte source jaillit sur les sables dorés.
Que l'herbe est forte et vive en ces prés solitaires !
Que je vois naître ici de plantes salutaires !
Que les arbres feuillus y sont chargés de fruits !
Tout y rit, tout y joue entre ces petits bruits.
Toute richesse accourt dans ces vallons utiles.
Quoi ? les lieux les plus bas sont donc les plus fertiles ?
Quoi donc, humbles vallons, plus vous vous abaissez,
Plus vous tirez de suc dont vous vous nourrissez ?
Les eaux traînent ici la graisse des campagnes,
Et l'humeur des coteaux, et celle des montagnes.
Tout bien tombe aux lieux bas. La riche Humilité
Ainsi de sa bassesse a sa fertilité. [...]

(Quatrième promenade)


  


Commentez ce poème